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QUI DÉSTABILISE VRAIMENT LE FOOTBALL AFRICAIN ?

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Les propos récents de Me Augustin Senghor, président de la Fédération sénégalaise de football, sur la prétendue mainmise du Maroc sur la Confédération africaine de football (CAF), appellent à une analyse technique et politique des faits.

L’histoire récente de la CAF n’est pas celle d’un complot marocain, mais d’une stratégie bien plus globale, dont le centre de gravité est à Zurich.

Depuis 2017, la FIFA est devenue un acteur central de la vie politique de la CAF, non pas par le dialogue, mais par l’ingérence structurelle. Le football africain a connu, en l’espace de huit ans, une série d’interventions orchestrées, assumées ou feutrées, qui ont profondément modifié les équilibres internes du continent.

  1. 2017 : L’ascension d’Ahmad Ahmad, première manœuvre d’ingérence

L’élection d’Ahmad Ahmad à la présidence de la CAF en mars 2017, face à Issa Hayatou, a été soutenue activement par la FIFA, dans une campagne menée en coulisses par plusieurs émissaires. Cette victoire a été présentée comme celle du changement, mais elle a surtout marqué le début d’une dépendance politique croissante de la CAF envers Zurich.

  1. 2021 : La « candidature unique » de Patrice Motsepe

Quatre ans plus tard, en 2021, l’élection de Patrice Motsepe à la présidence de la CAF n’a pas été le fruit d’un processus démocratique. C’est la FIFA, directement impliquée, qui a imposé un consensus autour d’un seul candidat, poussant à la retraite politique les autres prétendants, dont Me Senghor lui-même. Ce dernier a accepté de se retirer en échange du poste de premier vice-président, sans jamais dénoncer alors l’ingérence qu’il dénonce aujourd’hui.

  1. 2024 : Le congrès d’Addis-Abeba, un tournant statutaire grave

Lors du congrès de la CAF tenu en Octobre 2024 à Addis-Abeba, plusieurs amendements majeurs ont été adoptés sous impulsion externe :

  • La suppression des groupes linguistiques comme critère de représentativité électorale, bouleversant un équilibre historique qui garantissait une diversité géographique, linguistique, et culturelle. Le but principal de ce changement imposé directement de Zurich étant de pouvoir permettre à Ahmed Yahya président de la fédération Mauritanienne de football de se présenter aux élections du conseil de la FIFA car sans quoi il n’aurait justement pas été en mesure d’aller bousculer Me Senghor venant de la même zone que lui.
  • La suppression de la limite d’âge, qui a immédiatement permis à l’égyptien Hany Abu Rida, jusque-là inéligible, de se présenter à nouveau au Conseil de la FIFA.

 

Ces changements, loin d’être contestés par Me Senghor malgré le fait déjà apparent à ce moment que cela déstabiliserait l’équilibre du continent , ont été entérinés avec le soutien de sa propre fédération, qui a voté favorablement à toutes les résolutions proposées. Aucun communiqué, aucune interview, aucun mot sur les conséquences pour la démocratie interne de la CAF. Parce qu’à ce moment-là, ces réformes servaient aussi ses intérêts personnels et politiques.

  1. 2025 : Le retour du “choix guidé” de Zurich

Plus récemment encore, en Mars 2025, au Caire, des représentants de la FIFA ont directement contacté plusieurs présidents de fédérations africaines pour orienter leur vote en faveur de certains candidats au Conseil de la FIFA notamment ceux pour lesquels ils avaient imposé un changement de texte en Octobre 2024. Cette pression électorale étrangère s’inscrit dans une logique désormais bien installée : les choix africains ne sont plus souverains, ils sont supervisé, et le grand superviseur n’est tout autre que les instances Zurichoises qui n’hesitent pas à servir des menaces à peine masquées aux présidents de fédération et cela au su de Me Senghor.

  1. L’incohérence morale de Me Senghor

Il est légitime de défendre la représentativité équitable des zones géographiques au sein de la CAF et de la FIFA. Mais il est incohérent de se plaindre d’un déséquilibre que l’on a soi-même validé par le silence ou le calcul politique.

Lorsque les textes ont été changés à Addis-Abeba, Me Senghor était là. Il savait. Il a voté. Il s’est tu. Aujourd’hui, parce qu’il n’a pas été élu au Conseil de la FIFA, il crie à l’injustice en pointant le doigt vers le Maroc et en omettant de parler du rôle crucial de la FIFA dans la vie politique de la CAF depuis 2017. Me Senghor veut se positionner aujourd’hui comme un grand défenseur de l’afrique faisant mention des nos ancêtres et de Nelson Mandela et appellant nos gouvernements à intervenir comme ils le font désormais face aux anciens colons. Mai’s la question véritable que Me Senghor devrait se poser er de depuis 2017 est de savoir si nos ancêtres si Neleson Mandela aurait accepté le silence depuis 2017 et attendu de perdre les élections pour enfin parler? La véritable question que Me Senghor devrait se poser c’est de savoir si nos ancêtres sont fiers de lui depuis 2017 et s’il a véritablement fait honneur à nos ancêtres, à Nelson Mandela, et aux présidents africains qu’il interpelle aujourd’hui?

Lorsque Me Senghor dit que la CAF a poussé les fédérations africaines dans les bras du Maroc de quelle CAF parle-t-il? D’une CAF dont le président nommé par Zurich depuis 2021 n’a aucune base électorale? Et est incapable de tenir une promesse faite à un chef d’état de faire élir à un haut poste un des ressortit de ce pays justement parce que ce président de confédération ne peut s’appuyer sur aucune base électorale sinon le soutien de ses amis de Zurich? Comment une CAF si faible avec un des présidents les plus faibles que la CAF ait connu aurait-elle pu pousser les fédérations africaines dans les bras du Maroc?

 Ce positionnement opportuniste n’est pas à la hauteur du débat que mérite le continent.

La vraie question est celle de la souveraineté africaine

Le véritable débat n’est pas entre Marocains, Sénégalais, Arabophones ou Francophones. Il est entre une CAF indépendante et une CAF sous influence.

Le Maroc, quoi qu’on en pense, investit, propose, accueille, partage. Il est acteur. Il est force de proposition. Et il le fait dans le respect des textes en vigueur, sans jamais imposer par la contrainte ce que d’autres imposent par des deals politiques extérieurs.

Si nous voulons vraiment défendre le football africain, alors défendons sa souveraineté. Interrogeons les réformes imposées. Réclamons le retour à un équilibre inclusif, sans pour autant céder à des attaques ciblées qui masquent les vraies responsabilités des uns et des autres.

Le démocrate endormi qui s’est réveillé en Me Senghor devrait aussi l’aider à retrouver une honnêteté intellectuelle qui lui permettra lors de ses prochaines sorties de pointer le doigt vers les véritables responsible du déséquilibre continental, et de ne pas craindre une isolation certaine qui est garantie à tous ceux qui lèvent la voix contre ce colonialisme du football africain par des forces extérieures.

 

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